26 octobre 2015 : Du provisoire au statu quo

26/10/2015

Tunisie, 26 octobre 2015. Il y a un an, jour pour jour, les Tunisiens se déplaçaient aux urnes, pour la deuxième fois depuis le 14 janvier 2011, pour élire les membres de l’Assemblée des représentants du Peuple (ARP). Les nouveaux députés  devront remplacer ceux de l’Assemblée nationale constituante (ANC) qui a cédé sa place après la rédaction de la Constitution et la mise en route de plusieurs projets de lois. S’en suivent une élection présidentielle et un nouveau pouvoir s’installa en Tunisie avec son lot de promesses. Un an après, les choses ont-elles réellement bougé ?

 

Aujourd’hui est le premier anniversaire de l’élection du Parlement tunisien et de l’installation du nouveau pouvoir en place. Les élus de l’ARP choisissent cette date pour déposer au bureau de l’Assemblée un projet de loi contre la transparence au sein de l’hémicycle. Ce projet de loi devrait servir à « réglementer l’accès à l’ARP pour les acteurs de la société civile » et leur interdire, ainsi, d’assister aux travaux des commissions parlementaires et ce en prétextant « un problème d’organisation ». Cette initiative a vite fait de susciter l’ire des acteurs de la société civile soucieux de sauvegarder « la transparence » au sein du Parlement. Dans un communiqué publié aujourd’hui par un collectif d’associations, on pointe du doigt une« tentative de favoriser l’opacité » au sein de l’hémicycle.

Autant dire que la deuxième année parlementaire débute sur une note négative, mais marque-t-elle pour autant un retour en arrière ?

 

Une campagne de communication a marqué les esprits en 2014. Il s’agit du « provisoire » de Karoui & Karoui. Dans plusieurs points névralgiques de la capitale, mais aussi ailleurs, de grandes affiches imposantes ont été placardées pour tancer le pouvoir de la Troïka en place, ainsi que l’ancien président Moncef Marzouki, qualifié de provisoire, et marquer les esprits par la situation chaotique vécue en Tunisie. La campagne avait non seulement suscité la controverse mais a aussi marqué les esprits. Elle devait servir à rattacher la pauvreté, le chômage et même le terrorisme à une époque « provisoire » et donc qui devra être révolue avec l’arrivée d’un nouveau pouvoir.

 

 

Aujourd’hui, le nouveau pouvoir est en place. Le parti Nidaa Tounes a remporté non seulement les législatives du 26-Octobre mais aussi l’élection présidentielle avec la candidature de Béji Caïd Essebsi. Mais dans les faits, les problèmes liées au provisoire d’hier restent encore d’actualité aujourd’hui. Le taux de chômage est toujours aussi alarmant. Idem des indices de pauvreté et des prix qui ne cessent de flamber. La crise économique, enregistrée depuis des années, ne semble pas connaître une fin proche.

En matière de terrorisme, la Tunisie a connu, cette année, les deux attentats les plus sanglants de son histoire. Le 26 juin dernier, la fusillade qui a frappé la ville de Sousse a fait une quarantaine de morts civiles et tout autant de blessés. Elle a été précédée par une autre fusillade sanglante perpétrée en plein cœur de la capitale, au musée du Bardo, à quelques pas du Parlement.  24 personnes sont mortes et une quarantaine de blessés a été enregistrée. Plusieurs tours opérateurs et croisiéristes ont annulé leurs voyages vers la Tunisie et les ambassades des US et de pays européens ont adressé des mises en garde à leurs ressortissants afin de ne plus venir en Tunisie. Le tourisme en a pris un sacré coup.

Si ces deux attentats ont permis d’accélérer le vote de la loi antiterroriste, devant remplacer celle répressive de 2003, le nouveau texte reste controversé à bien des égards. Même si largement adoptée au sein de l’ARP, elle a été vivement critiquée par la société civile comportant des articles qui consacrent la peine de mort, confèrent des pouvoirs discriminatoires à la police et pouvant engendrer, grâce à des définitions trop floues, toutes sortes de dérives liberticides.

 

 

Pourtant, les élections législatives du 26 octobre 2014 ont apporté leur lot de promesses. Elles ont hissé au devant de la scène politique les élus de Nidaa Tounes, parti aujourd’hui majoritaire au Parlement, qui a réussi à détrôner son ennemi juré, le parti islamiste Ennahdha. A l’époque, l’un des slogans phares brandis par Nidaa, était de « débarrasser » la Tunisie des islamistes. Le fameux vote utile, affiché comme argument de vente, pour contrer l’adversaire islamiste.

Pourtant, aujourd’hui, Nidaa et Ennahdha semblent s’entendre comme larrons en foire, peut-être même mieux que les membres du parti majoritaire, secoué depuis des mois par des luttes fratricides. Les membres de Nidaa ont jugé utile de s’unir avec l’ennemi d’hier afin de gouverner ensemble. Leur majorité étant loin d’être confortable, une telle union leur était vitale. Mais cette union leur a attiré la foudre d’une grande partie de leur électorat, dépité de voir la raison même de ce vote utile bafouée par ceux pour lesquels il a voté.

 

 

La Tunisie a été couronnée du Prix Nobel de la Paix cette année pour l’action du Quartet national, félicité pour avoir « évité à la Tunisie une guerre civile » et « réussi à rapprocher les points de vue divergents des différents acteurs politiques ». Et pourtant, dans les faits, la situation est loin d’être meilleure que celle observée en 2014. Les élections législatives du 26-Octobre n’ont, invraisemblablement pas réussi à changer la donne. Après le provisoire, le statu quo semble être le maître mot de la période actuelle.

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