Allemagne : coup de froid sur l’économie
11/10/2014
Depuis la rentrée, les signaux négatifs s’amoncellent autour de la première économie européenne, qui représente le tiers du PIB de l’union monétaire, douchant les espoirs de la voir stimuler à elle seule une zone euro engluée dans la crise
Les principaux instituts de conjoncture allemands ont dépeint à leur tour jeudi un tableau assombri de la première économie européenne, de mauvais augure pour toute la région, et ajouté leur voix au concert des appels à Berlin à investir davantage.
Ifo, DIW, RWI et IWH tablent, dans leur traditionnelle publication commune d’automne, sur une croissance de 1,3% cette année et 1,2% l’an prochain, contre respectivement 1,9% et 2% en avril dernier. Mardi, le Fonds monétaire international (FMI) avait abaissé son pronostic de croissance à respectivement 1,4% et 1,5%.
Le climat «s’est nettement refroidi» pour l’économie allemande, constatent les experts, dont les prévisions inspirent fortement celles du gouvernement allemand, attendues mardi prochain, qui devraient donc elles aussi être révisées à la baisse.
Certes, l’Allemagne devrait voir son produit intérieur brut (PIB) accélérer après deux années poussives (0,4% en 2012 et 0,1% en 2013), et conserve un taux de chômage (6,7%) à faire pâlir de jalousie ses voisins européens.
Mais depuis la rentrée, les signaux négatifs s’amoncellent autour de la première économie européenne, qui représente le tiers du PIB de l’union monétaire, douchant les espoirs de la voir stimuler à elle seule une zone euro engluée dans la crise.
Le recul de 1,3% des importations allemandes enregistré en août est à cet égard mauvais signe.
Le rapport des instituts est venu confirmer une salve d’indicateurs alarmants pour le mois d’août — plongeon des commandes à l’industrie et de la production industrielle, chute de 5,8% des exportations dévoilée jeudi.
«Fini le miracle estival» de la Coupedu monde de football, place «au film d’horreur de l’été en Allemagne», assure Carsten Brzeski, d’ING, décrivant une économie «au point mort» en août, dont le coup de frein rappelle celui de 2009, «au plus fort de la crise financière».
«Objet de prestige»
Les instituts brossent un tableau peu enthousiasmant : la demande intérieure, affaiblie par l’attentisme des consommateurs et le report des investissements privés, inquiète autant que les exportations, plombées par les craintes géopolitiques et l’atonie en zone euro.
«Les perspectives sont également assombries en raison de la politique économique (…) Le gouvernement n’utilise pas assez ses marges de manœuvre financières à des fins d’investissement», a déploré Ferdinand Fichtner, économiste chez DIW.
Dans leur communiqué, les quatre instituts ont exhorté Berlin à «augmenter les dépenses de la puissance publique dans les domaines qui ont le potentiel de contribuer à la croissance», ajoutant leur pierre au débat déjà vif sur la discipline budgétaire allemande.
Le retour à l’équilibre des finances publiques fédérales, attendu en 2015, pour la première fois depuis 46 ans, «est un objet de prestige qui ne fait pas forcément sens économiquement», a estimé M. Fichtner.
Les experts évaluent à environ 6 milliards les marges de manœuvre budgétaires de l’Etat allemand, qui pourraient permettre à la fois de baisser les impôts et d’augmenter les investissements, en particulier dans les infrastructures (transport, énergie, numérique).
Berlin, poussé dans cette direction par ses partenaires, Paris en tête, se refuse pour l’heure à dévier de sa ligne, estimant que la solidité de ses finances publiques est sa contribution à l’édifice européen et ne jurant que par «l’investissement privé».
«A beaucoup d’égards l’Allemagne a rempli son devoir» envers ses partenaires, maintenait la semaine dernière la chancelière Angela Merkel.
lapresse.tn