BCE, un an à Carthage : un bilan débiteur

03/01/2016

Le 31 décembre 2014, Béji Caïd Essebsi était, officiellement, investi en tant que 5èmeprésident de la République Tunisienne et 1er président de la deuxième République. Il avait remporté le scrutin du 22 décembre de la même année, avec 55,68 % des suffrages, soit plus de 1,7 million de voix, contre plus de 1,3 million pour son rival, Moncef Marzouki, soit 44,32%.

 

L’heure étant aux bilans, comme en pareille période de chaque année, que peut-on retenir de cette première année d’un mandat de cinq ans, et ce en tenant compte des prérogatives du nouveau patron du palais de Carthage, à savoir : la garantie du respect de la Constitution, des libertés de presse et d’expression, la défense et la sécurité nationale et la politique étrangère.

Il est utile de rappeler, d’abord, les premières paroles et promesses du président de la République lors de son investiture. En effet, dans son premier discours, il avait promis de veiller à « garantir l’unité du pays, d’œuvrer à la mise en place des institutions constitutionnelles, à la réalisation des objectifs de la révolution et à la lutte contre le terrorisme ».

Il avait annoncé l’instauration d’une diplomatie fondée sur des positions modérées sans se mêler des affaires intérieures des autres pays. Ensuite, il a formé l’espoir d’entamer une étape au cours de laquelle il sera mis un terme au doute et à la crainte et en balisant la voie à une vie politique plurielle». A-t-il réussi dans sa mission ?

 

Tout d’abord, il y a lieu de souligner que deux des principales promesses lancées au cours de sa campagne électorale n’ont pas été réalisées, à savoir la restauration du prestige de l’Etat et la non- alliance avec Ennahdha.

En effet, d’un côté les dérapages sociaux, économiques, politiques, sécuritaires et médiatiques se sont poursuivis de plus belle, de l’autre, une première tentative, échouée, de former un gouvernement sans le parti islamiste, Habib Essid a été contraint d’associer des dirigeants d’Ennahdha à son cabinet.

 

Quant au respect de la Constitution, on enregistrera deux entorses majeures. La première a eu lieu, lorsque, de retour d’un voyage à l’étranger, il a pris à contre pied le ministre de la Justice à l’époque, Mohamed Salah ben Aissa, en déclarant, à propos de l’article 230 concernant la criminalisation de l’homosexualité, que jamais, au grand « J », cet article ne sera amendé !

La seconde a été constatée lors de son adresse à la Nation après l’attentat de Tunis. BCE consacra plus des trois quarts de son allocution à la crise de Nidaa Tounes foulant aux pieds, ainsi, l’obligation de neutralité vis-à vis des partis politiques en omettant qu’il est le président de tous les Tunisiens.

Il est allé, lors de ce même discours, jusqu’à annoncer qu’il a nommé, lui-même, les 13 membres de la Commission chargée d’établir une feuille de route et de trouver une issue à la crise du parti au pouvoir.

BCE avouait être conscient qu’il enfreignait l’obligation de réserve par le fait que cette crise menaçait la paix sociale et mettait en cause même la sécurité nationale.

 

Côté sécurité nationale, justement, on reproche à Béji Caïd Essebsi d’avoir des réactions en deçà des attentes au lendemain des divers attentats terroristes qui étaient nombreux au cours de 2015.

Outre les attentats dans les montagnes du Nord-ouest, il y eut ceux du musée du Bardo, de l’hôtel au Port El Kantaoui de Sousse et contre le bus des Gardes de la sécurité présidentielle en plein centre ville de Tunis.

Et à chaque fois la réaction de BCE était qualifiée de molle. On garde à la mémoire ses paroles au lendemain de l’attaque du Bardo lorsqu’il disait : « Encore un attentat de la même gravité et ce sera l’effondrement de l’Etat ».

Et à chaque fois, les mesures étaient limités, sauf après l’attentat à l’Avenue Mohamed V du 24 novembre 2015 lorsqu’un couvre-feu limité dans le temps et au Grand Tunis fut décrété.

 

Pour ce qui est des libertés, si l’on ne signale pas d’emprisonnement de journalistes ou autres penseurs pour leurs idées et ou leurs écrit, il n’empêche que le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) et autres organisations ont crié leurs craintes de voir les pratiques du passé de retour. Cela concerne en l’occurrence le contrôle les consignes imposées aux médias, notamment ceux publics.

 

Quant au volet de la politique étrangère, il est bon de souligner l’activité débordante du président de la République qui s’est rendu aux Etats-Unis d’Amérique, dans plusieurs pays européens et, surtout en Algérie et dans les pays du Golfe dont la dernière visite en date est celle effectuée au Royaume d’Arabie Saoudite. Des tournées jugées positives et relativement fructueuses.

Or, le point curieux de la diplomatie tunisienne demeure cette absence de toute visite dans aucun pays du continent noir, pourtant qualifié comme ayant un potentiel énorme pour d’éventuels partenariats avec notre pays.

 

Le grand hic en la matière réside, selon les observateurs, dans les limites du département des Affaires étrangères qui manque d’une communication agressive et efficace, sans oublier la controverse soulevée par l’épisode de la visite présidentielle aux USA où c’est le conseiller de la présidence, à l’époque, Mohsen Marzouk qui signait le protocole avec le secrétaire d’Etat américain alors que Taïeb Baccouche, ministre des Affaires étrangères ne faisait même pas partie du voyage.

 

Comme le font remarquer les analystes, les couacs et autres entorses commis par le président de la République au bout d’une année, seulement, d’exercice sont nombreux et s’expliqueraient, sans être justifiés, par la personnalité de BCE qui semble compter sur son charisme pour faire passer ses « pilules ».  Il est sans oublier que le chef de l’Etat a tendance, vu son âge et son expérience, à jouer aussi de son côté paternaliste, rappelant le Leader Habib Bourguiba.

 

Tout le monde s’accorde à dire que la Tunisie est entrée dans une ère de démocratie où les valeurs de l’Etat de droit et des institutions devraient être de mise. La Tunisie est encore en phase d’apprentissage et celui-ci n’est pas toujours aisé à assimiler.

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