Ce que propose l’UTICA pour sauver l’économie tunisienne

09/7/2015

Déjà ébranlée par la révolution, l’économie tunisienne a du mal à redémarrer. Certains secteurs et entreprises se retrouvent à l’agonie à cause de plusieurs facteurs notamment la montée du terrorisme, la prolifération de la contrebande et la détérioration du climat social. La dernière attaque terroriste de Sousse n’a pas arrangé les choses : elle a visé un secteur stratégique de la Tunisie représentant 7% du PIB et employant des dizaines de milliers de personnes. D’ailleurs, le président de la République lui-même l’a dit dans son discours annonçant l’état d’urgence : «si cela se reproduit, l’Etat s’effondrera ».

 

C’est dans ce contexte que l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) a présenté son initiative de sauvetage de l’économie tunisienne, avec le soutien de plusieurs organisations nationales et corporations professionnelles, basée sur une feuille de route claire et ayant pour intitulé “Une année pour sauver l’économie du pays”. L’objectif étant de mettre en place des actions urgentes et concrètes pour sauver l’économie.

 La feuille de route traite 8 volets : sécuriser le pays, engager l’entreprise sur le front, remettre le pays au travail, redonner espoir à la jeunesse, redonner espoir aux régions, préserver le secteur touristique et les activités connexes, favoriser l’inclusion économique et enfin communiquer de manière efficace.

Bien qu’il y ait un consensus national sur le fait que la sécurité est la première des priorités, la centrale patronale pense qu’il est important de mobiliser davantage de moyens. Ceci doit passer par la dotation des forces de sécurité de plus de moyens humains et matériels dans leur combat contre le terrorisme, à travers la mobilisation de ressources nationales et internationales ainsi que par la mise en place d’un mécanisme permettant aux entreprises de participer au financement du déploiement sécuritaire de l’Etat.
L’UTICA estime également qu’il est important d’étendre l’installation des «salles d’opération»aux zones à risque et aux agglomérations exposées aux actes terroristes, de professionnaliser la sécurité des établissements publics, des administrations, des banques et des entreprises en confiant leur gardiennage à des prestataires employant du personnel qualifié et d’installer des systèmes de sécurité conformes aux standards internationaux dans les entreprises.

 

Deuxième point, l’entreprise peut être d’un réel apport dans la lutte contre le terrorisme et le sauvetage du pays : en s’engageant dans la recherche de nouvelles niches de croissance et de gisements de compétitivité pour créer de la richesse et de l’emploi notamment dans les régions; en adoptant une attitude de résilience face à la crise et en diffusant des messages d’optimisme et d’espoir en direction des ses employés et de ses partenaires; en faisant preuve de citoyenneté à travers la participation au financement des fonds spéciaux de lutte contre le terrorisme, de développement régional, d’accompagnement des jeunes dans la création des microprojets; en s’impliquant, sans restriction, dans des actions à caractère sociétal et en contribuant à l’amélioration des conditions de vie des Tunisiens notamment dans les régions défavorisées; en dénonçant publiquement les parrains du terrorisme, les barons de la contrebande et les évadés fiscaux; et, enfin, en s’engageant à travers leurs structures professionnelles représentatives à mettre en application l’actuelle feuille de route et à assurer le suivi de sa réalisation.

 

Tout ceci ne peut se réaliser qu’en remettant le pays au travail à travers un ensemble de mesures complémentaires et simultanées, notamment la mise en place d’un système de gouvernance sociale d’exception pour cette période. Il s’agit de déclarer, en vertu des articles 36 et 49 de la constitution, un moratoire d’une année sur les grèves et d’assurer en parallèle une gestion consensuelle des conflits sociaux, le tout en garantissant l’amélioration, au terme de l’année, du pouvoir d’achat des travailleurs selon le taux de croissance réalisé. Bien sûr, pour y parvenir, toute obstruction au travail devra être criminalisée.
Les quatrième et cinquième recommandations sont de redonner espoir à la jeunesse et aux régions, en créant de l’emploi et en améliorant la qualité du service public, de telle sorte que les régions de l’Ouest et du Sud perçoivent rapidement un changement positif dans leur situation.
L’UTICA propose d’engager une démarche avec les organisations professionnelles régionales pour identifier des niches d’emploi dans divers métiers, à différents niveaux et prendre les mesures d’accompagnement nécessaires pour une insertion effective de chômeurs dans ces niches; de mettre en place des programmes de formation à la reconversion des chômeurs diplômés de certaines filières universitaires; de faciliter la mobilité des jeunes pour leur permettre de travailler dans toutes les régions (prise en charge des déplacements et de l’hébergement); et d’engager une démarche contractuelle avec les entreprises existantes, pour créer immédiatement des emplois durables supplémentaires et donner à ces entreprises les appuis nécessaires à définir selon les spécificités du secteur et la situation des entreprises.
A cet effet, l’Etat devra déclarer que tous les investissements dans les 14 gouvernorats prioritaires comme «projet d’intérêt national» et leur accorder automatiquement les avantages, à l’instar de ceux mentionnés dans l’article 52 du code des investissements; en attendant l’adoption de la loi sur les PPP, autoriser en vertu de l’article 80 de la constitution les projets de partenariats dans les services publics, dans les centres de vie et dans la valorisation du patrimoine et des ressources naturelles identifiées par le secteur privé dans ces 14 gouvernorats; donner accès à un financement à taux zéro pour tous les investissements dans ces 14 gouvernorats; et prendre des mesures d’exception pour activer la réalisation des projets publics programmés notamment dans les régions.

Des actions devront être aussi prises pour la préservation du secteur touristique et les activités connexes, à travers la mise en œuvre, sans délai, du plan de sauvetage de la saison touristique élaboré par le ministère du Tourisme et les professionnels, et l’élargir aux activités connexes au tourisme. La centrale patronale pense qu’il faudra, aussi, procéder d’urgence à des améliorations des structures d’accueil aux points de passage aux frontières avec l’Algérie (climatisation des locaux, augmentation des effectifs, sécurisation des routes qui y mènent et aux aéroports) et de relancer le tourisme local et le tourisme de voisinage.

Le 7ème point de la feuille de route concernant la favorisation de l’inclusion économique, en attirant les petites et micro-entreprises, qui sont à un degré ou un autre en dehors de la sphère formelle, sur le marché officiel, notamment en réduisant la taxation fiscale et douanière pour rendre inutile le recours à l’informalité. L’UTICA préconise la création au niveau du chef du gouvernement de ce qu’elle appelle une “Haute instance de l’inclusion économique et sociale”, qui sera chargée du pilotage de la mise en cohérence des dispositifs règlementaires, normatifs et juridiques dans le domaine économique. Elle conseille aussi d’aider des entreprises, fragilisées par le commerce parallèle, à reprendre leur souffle par des facilités de financement garanties par l’Etat. Elle recommande d’utiliser le cadre de la réconciliation nationale pour inclure dans l’économie formelle le maximum de maillons de l’économie informelle.

 

Tout ceci est vain si on ne redore pas, très rapidement, l’image de la Tunisie pour préserver le tourisme et les exportations, tranquilliser les IDE, les bailleurs de fonds et les institutions internationales, estime la centrale patronale. D’où l’importance de lancer une campagne de lobbying et de communication multi-acteur en interne et à l’international de manière professionnelle : en adoptant un discours responsable, mais optimiste et mobilisateur, et en faisant appel aux spécialistes de la communication; en exprimant clairement aux investisseurs étrangers installés en Tunisie la ferme volonté de les protéger et de les assister, et en leur manifestant une confiance inébranlable en l’avenir du pays; en contrant l’idéologie extrémiste et en s’attaquant directement à ses fondamentaux en en démontrant la contradiction avec les préceptes de l’islam; en combattant l’esprit d’assistanat et en valorisant l’effort et le travail; en effectuant des missions itinérantes dans divers pays avec des officiels et des professionnels disposant de réseaux d’influence dans les pays cibles; en mobilisant la diaspora tunisienne à l’étranger et les amis de la Tunisie de par le monde pour améliorer l’image du pays; et, enfin, en accélérant le processus des réformes économiques (PPP, CI, Code des changes, Fiscalité , Système financier ) et en prenant des mesures urgentes et spécifiques pour rassurer les investisseurs étrangers installés en Tunisie et maintenir le site Tunisie sur la cartographie mondiale des flux d’investissements.

 

En annonçant cette initiative aux médias, la présidente de l’UTICA Wided Bouchamaoui a bien précisé que ce plan de sauvetage suppose toutefois trois préalables. Le premier est la réconciliation rapide de toutes les composantes de la société tunisienne pour constituer un front uni contre le terrorisme et le sabotage économique. Un cadre idoine doit être trouvé pour une réconciliation nationale rapide. Le deuxième est que le gouvernement doit prendre des mesures concrètes pour s’attaquer à l’écosystème du terrorisme, de la contrebande et du sabotage économique, leur financement, leur communication et leurs promoteurs. Le troisième et dernier préalable est que le gouvernement doit restaurer l’autorité et la stricte application de la loi dans tout le pays et notamment dans l’administration.

 

L’économie tunisienne boite et peine à retrouver sa vitesse de croisière. Les chiffres du premier trimestre 2015, l’attestent. D’ailleurs, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie l’avait confirmé en déclarant que les indicateurs n’incitent guère à l’optimisme quant au bilan attendu pour 2015. Pour sa part, deux jours en arrière, le premier vice-président de l’UTICA, Hichem Elloumi, avait parlé de déclarer l’Etat d’urgence pour l’économie et ce plan de sauvetage est peut être une porte de sortie, faute de mieux !

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