Cobayes d’aujourd’hui, fantômes de demain
30/05/2015
Qui a eu l’idée d’armer des enfants ? Des adultes sans aucun doute. Des fantasmes d’adultes transposés à des enfants qu’on prend pour des cobayes. La semaine dernière, un jardin d’enfants, pourtant homologué, dans la ville de Sousse, interprétait lors de sa fête de fin d’année un hommage aux victimes palestiniennes mortes au combat. Au programme, des enfants fredonnant des chansons engagées promettant de libérer Al Qods, des Kalashnikovs et des cadavres (d’enfants !) enveloppés dans des linceuls.
Qui a eu l’idée de mêler des enfants à ce lointain fantasme de libération de la Palestine ? Des adultes sans aucun doute. Des adultes en mal d’héroïsme, attachés à des causes perdues qu’on défend en brassant du vent et des enfants en mal de repères qu’on embrigade en les enfermant dans nos fantasmes à nous.
Qui a pensé qu’à 3 à 5 ans, les enfants devaient avoir des orientations politiques, glorifier une guerre (peu importe si elle est juste ou non), ou banaliser le meurtre et la violence ? Est-ce ce genre d’activités ludiques et pédagogiques qui doit éduquer nos enfants et en faire des adultes accomplis? Des adultes qui pourront penser d’eux-mêmes, avoir leurs propres idées et opinions. Tout se fait aujourd’hui pour que l’enfant de demain ressemble aux adultes d’aujourd’hui. On a tellement peur que les adultes de demain découvrent une vérité et une manière de faire qui n’est pas la notre qu’on leur fourre le crane avec tout et n’importe quoi, on les embrigade, on les façonne et on les élève à nos propres causes.
On n’apprend à nos enfants ni amour de la culture, ni celui du travail bien fait. On ne leur apprend pas à réfléchir d’eux-mêmes et à créer leurs propres combats. On n’enrichit pas leur créativité et leur curiosité. On les cantonne à des idéologies qui sont les nôtres et dont ils ne comprennent, parfois, rien du tout.
Dans ce capharnaüm d’idées, de causes perdues, d’orientations religieuses, politiques, idéologiques, morales, sexuelles et autres, les enfants servent de souffre-douleur à des adultes désorientés. Des prédicateurs d’un autre temps sont invités sur nos terres pour apprendre à nos filles pré-pubères à porter le hijab pour se protéger contre des prédateurs sexuels. Des hurluberlus sont invités à nos débats sur l’éducation pour pourrir, de leurs idées farfelues et dépourvues de bon sens, les programmes qui seront, demain, enseignés à nos enfants. Des professeurs en mal de reconnaissance qui prennent nos chérubins en otage pour une prime de plus.
Dans ce pays où les centres culturels ferment sans qu’on n’en entende parler, où les manifestations des jeunes se font à coup de glorification des terroristes, où les jeunes suivent des causes qui ne sont pas les leurs, des causes qu’ils ne comprennent pas, ces mêmes jeunes, pour fuir leur mal de vivre et leur échec, partent faire le jihad ou embarquent à bord de bateaux de la mort.
Les enfants de demain ne seront qu’une pâle copie des adultes d’aujourd’hui. Le spectacle qu’offre l’éducation tunisienne aujourd’hui est plus que désolant. Dans quelques années, il sera très aisé de voir les cancres et les mal instruits réussir leurs études haut la main, devenir les cadres et les dirigeants de demain. II sera aisé de voir des personnes haut placées ne pas maîtriser les simples rudiments de la langue et n’avoir aucune capacité à réfléchir d’eux-mêmes et à émettre des opinions et des analyses dignes d’êtres prononcés, écoutés et débattues. Il sera aisé de voir à quel point la pauvreté de l’enseignement actuel, de l’embrigadement pratiqué aujourd’hui par les adultes contre les enfants en aura fait des coquilles vides et des demi-adultes, sans aucun esprit ni cerveau bien à eux…
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