Enseignement : La rentrée des clashs

06/09/2015

L’un des ministres les plus appréciés par l’opinion publique est celui de l’Education nationale, Néji Jalloul. Ce dernier s’est attaqué au dossier de l’enseignement primaire et secondaire en prenant des mesures drastiques. On rappellera sa décision de faire passer de classe tous les élèves du primaire pour éviter la crise des examens. Son duel avec le syndicat des enseignants du secondaire a également marqué les esprits. Par conséquent, c’est une rentrée des classes sous haute tension qui s’annonce.

 

Les décisions du ministre concernant la gestion des crises et des grèves ont eu un fort impact sur les syndicats, et ils s’en souviennent. Les syndicats, chapeautés par l’UGTT, sont décidés à faire entendre leurs voix au cours de la rentrée qui arrive ce mois-ci. Il est vrai que les mesures prises par Néji Jalloul leur restent en travers de la gorge.

 

Le secrétaire général du syndicat de l’enseignement secondaire, Lassâad Yaâcoubi, avait déjà annoncé la couleur le 3 septembre 2015 en déclarant que « si le gouvernement ne tient pas sa promesse, le conseil administratif prendra des mesures sévères ». La promesse en question est celle de faire appliquer et respecter tous les accords antérieurs.

 

Le secrétaire général adjoint du même syndicat, Fakhri Smiti, en a remis une couche le 5 septembre pour dire que les décisions prises seront « sévères » contre « la nonchalance du gouvernement et le fait qu’il porte atteinte au droit syndical des professeurs ». Smiti est allé jusqu’à menacer de boycotter la rentrée scolaire. Tout cela provient du fait que les accords conclus entre le syndicat et le ministère de l’Education nationale n’ont pas été publiés dans le JORT du 4 septembre 2015. Le syndicat voit en cette non-publication une volonté latente du gouvernement de revenir sur les accords conclus. En fin de journée, les menaces sont mises à exécution. Le conseil administratif décide de boycotter les cours. Sami Tahri, secrétaire général adjoint de l’UGTT, annonce que les enseignants reprendront la rentrée le 14 septembre comme prévu, et entameront la grève à partir du 15 septembre, jusqu’à ce que les accords ne soient appliqués par le gouvernement.

 

Cette atmosphère de méfiance et de défiance entre le syndicat et le ministère de l’Education n’est pas nouvelle. C’était déjà le cas pendant toute l’année dernière, où la vie scolaire, dans les lycées, était rythmée par les grèves et les crises. Le secrétaire général du syndicat de l’enseignement secondaire, Lassâad Yaâcoubi, a longtemps entretenu et ravivé cette atmosphère de défi, de provocation et de confrontation avec le gouvernement. Et il est vrai, qu’en usant de ces moyens, il a réussi à obtenir plusieurs « reculades » du gouvernement. On se rappellera de la fameuse déclaration du secrétaire général, suite à la conclusion des accords avec le ministère de l’Education, quand il avait dit : « Que celui à qui cet accord ne plait pas boive l’eau de mer ».

 

Aujourd’hui, les relations entre le gouvernement et le syndicat de l’enseignement secondaire semblent partir sur les mêmes bases de confrontation. Il faut noter également que la gestion de ce dossier par le gouvernement n’a pas été optimale. En effet, ce dernier a fait plusieurs concessions qui ont favorisé la montée du seuil des revendications syndicales. Hormis quelques mesures prises par le ministre, notamment la lutte contre les cours particuliers, les problèmes de fond ont été calmés par des augmentations salariales. Toutefois, ces augmentations salariales deviennent obsolètes quand on considère que l’inflation va de pair et que donc, même les soucis financiers des professeurs du secondaire seront bientôt, de nouveau, d’actualité.

 

La rentrée politique de cette année sera chargée et émaillée de plusieurs mouvements sociaux auxquels celui des professeurs viendra s’ajouter. Entre les manifestations contre le projet de loi de réconciliation nationale, le mécontentement des agriculteurs et le sempiternel problème terroriste, le gouvernement de Habib Essid pourrait être tenté de céder devant les professeurs, d’une part car des accords ont déjà été signés et d’autre part, à cause de la volonté du gouvernement de maintenir une paix sociale même factice.

 

Entre temps, les problèmes de l’éducation nationale, surtout au niveau secondaire restent bien réels et représentent un véritable problème à moyen et à long terme. La meilleure preuve de l’état dramatique de l’éducation nationale est le taux de réussite à la session principale du baccalauréat 2015 qui était seulement de 27,22%. Pourtant, pour l’opinion publique, le duel entre le gouvernement et le syndicat de l’enseignement secondaire semble se cristalliser autour de questions exclusivement pécuniaires et financières, malgré les dénégations des protagonistes. Toutefois, rien ne semble être sorti du fameux dialogue national autour de l’éducation qui devait se pencher sur la refonte des programmes et les moyens d’élever le niveau de l’enseignement tunisien.

 

Au-delà des querelles entre le syndicat et le gouvernement, il faut être conscient du fait que le principal perdant reste le niveau des élèves. La dégringolade du niveau des élèves se répercute sur celle des étudiants et ensuite sur le niveau des demandeurs d’emploi. Par conséquent, aujourd’hui, plusieurs employeurs ont les plus grandes difficultés à trouver du personnel qualifié même si le niveau de qualification requis n’est pas très élevé. Ceci a pour double effet le ralentissement de l’économie, du fait du manque de personnel qualifié, et l’augmentation du chômage de personnes ayant des diplômes qui ne servent à rien.

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