Gaz de schiste : un débat public et nécessaire en Tunisie

 17/10/2013

L’exploitation et la production de gaz de schiste peuvent poser d’énormes défis environnementaux estiment les auteurs d’un rapport intitulé Le gaz de schiste et ses implications pour l’Afrique et la Banque africaine de développement, publié par la BAD.  Examinant, tout à la fois, les aspects positifs ainsi que les mises en garde découlant de la “révolution du gaz de schiste”, ils mentionnent notamment les importants volumes d’eau nécessaires à l’extraction, la contamination de l’eau, l’intensification de l’activité sismique, le dégazage et le torchage des gaz associés. Toujours selon les auteurs, États et opinion publique doivent réfléchir à la meilleure façon de procéder avant de s’engager plus avant dans le plein développement du gaz de schiste.

 

« La Banque africaine de développement est encouragée par les résultats de cette étude : les nouvelles techniques d’exploitation du gaz de schiste pourraient offrir à la région des perspectives économiques. Dans le même temps, nous ne soulignerons jamais assez la nécessité de combiner la production de gaz avec une bonne planification et une gestion durable de l’environnement », a déclaré Kurt Lonsway, manager en charge de l’environnement et du changement climatique au sein du Département de l’énergie, de l’environnement et du changement climatique de la Banque.

 

Passant en revue les estimations respectives des gisements de gaz de schiste situés en Algérie, en Libye, en Tunisie, au Maroc, en Afrique du Sud et au Sahara occidental, le rapport souligne les défis qu’en pose l’exploitation. Dans son avant-propos, Donald Kaberuka, président de la BAD, souligne que la Banque est tout disposée à leur apporter son appui, ainsi qu’à tout autre pays membre ou à toute sous-région qui envisagerait l’exploitation du gaz de schiste.

 

De fait, les auteurs de l’étude préconisent que la BAD joue un rôle d’intermédiaire impartial (“honest broker”) dans les années à venir. La Banque devra veiller à ce que les pays potentiellement dotés de réserves de gaz de schiste soient bien informés, et aient accès à des informations fiables quant aux effets éventuels sur l’environnement. Il s’agit notamment de bien comprendre les solutions possibles pour relever ces défis, et de prendre les mesures législatives et réglementaires nécessaires pour réduire les risques a minima.

 

L’appui de la BAD peut également pendre la forme de prêts d’assistance technique et, le cas échéant, de financement d’infrastructures liées à l’exploitation du gaz de schiste.

 

Pour mieux appréhender la pertinence de la révolution du gaz de schiste dans les pays africains, l’étude se penche également sur l’expérience des États-Unis, où le gaz de schiste a atteint le tiers de la production totale de gaz, et où l’accroissement de l’offre en gaz grâce au gaz de schiste a permis de réduire de plus de moitié les prix du gaz en 2012.

 

Tunisie : potentialités, méfiances et nécessaire débat

Analysant la situation en Tunisie, le rapport écrit notamment :

 

« D’après ARI, le gaz en place est estimé à 61 000 milliards de pieds cubes, et les réserves techniquement exploitables à 18 000 milliards. Il s’agit de volumes bien inférieurs à ceux estimés  en Libye ou en Algérie, mais demeurent néanmoins bien supérieurs aux réserves prouvées de gaz  conventionnel qui s’élèvent à moins de 3 000 milliards de pieds cubes. Les réserves estimées se  situent dans le bassin de Ghadames et un premier puits a été foré par fracturation en 2010.

 

La Tunisie produit un faible volume de gaz tout en en consumant plus, ce qui fait d’elle un importateur net. Un développement de la production locale profiterait largement à l’économie nationale. Les gazoducs sont reliés au réseau international et aux centres de demande nationaux. Depuis longtemps, la Tunisie a su attirer de nombreuses compagnies d’exploration et de production internationales, grâce à des politiques favorables aux investissements. Au milieu de l’année 2012, Shell a déposé une demande auprès du gouvernement en vue d’obtenir un permis d’exploration du gaz de schiste, qui est encore à l’étude.

 

Sous de nombreux aspects, la Tunisie est un pays particulièrement attractif pour le développement du gaz de schiste. Elle a fortement besoin de réserves de gaz supplémentaires et dispose d’une expérience dans le domaine (tant à l’exportation que pour l’approvisionnement national) et d’une partie des infrastructures requises.

 

Le gouvernement dispose d’une certaine expérience du gaz, bien que pas à l’échelle de celle qui découlerait d’une exploitation intégrale des réserves en gaz de schiste.

 

Les problèmes environnementaux qui pourraient découler de la fracturation font déjà l’objet de débats tendus en Tunisie. Des articles publiés le 7 novembre 2012 par les médias en ligne Tunivisions et Tunisia Live ont soulevé des craintes quant à une possible pollution du système d’approvisionnement en eau au niveau local, ainsi que sur le problème du manque d’eau. Shell  a répondu à ces craintes en soulignant qu’elle adhérait « à un ensemble de principes mondiaux d’exploitation onshore qui fournissent un cadre à l’eau, l’air et la flore et la faune et respectent les communautés auprès desquelles elle opère. » (Tunisia Live, 23 novembre 2012). Le jour suivant, Tunisia Live signalait que l’International Public Services Union assurait la coordination d’une campagne nationale contre l’extraction du gaz de schiste (Tunisia Live, 24 novembre 2012).

 

 

Les commentaires laissés en ligne sur ces articles traduisent l’inquiétude de l’opinion publique.

 

Beaucoup d’entre eux ont exprimé leur incapacité à faire confiance à une compagnie internationale dont le principal objectif est le profit, d’autres ont condamné la fracturation en elle-même comme  méthode forcément nuisible, en particulier dans un pays confronté au manque d’eau. D’autres ont souligné le potentiel de création d’emplois du secteur, et beaucoup ont indiqué la nécessité d’un débat public éclairé».

 

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