La Banque centrale de Tunisie bénéficiera de l’expertise de la Banque de France pour sa politique monétaire
08/11/2015
La Tunisie fait face à plusieurs chantiers de réformes qui touchent tous les secteurs notamment l’économie : le Code de l’investissement, la réforme fiscale, la réforme douanière, la réforme bancaire, etc.
Le jumelage permet d’avoir accès à l’expertise nécessaire avec des établissements similaires. C’est dans ce cadre que la Banque centrale de Tunisie (BCT) bénéficiera de l’expérience de la Banque de France : un projet de jumelage qui porte sur la modernisation du cadre opérationnel de la politique monétaire, afin de l’aligner sur les meilleures pratiques internationales.
Le coup d’envoi officiel a été donné, jeudi 5 novembre 2015 lors du séminaire de lancement, par le gouverneur dela Banquecentrale Chedly Ayari et l’ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie Laura Baeza, en présence de représentants dela Banquede France, de représentants d’institutions financières de la place, de plusieurs présidents de Conseils d’administration et de directeurs généraux de banques tunisiennes ainsi que des acteurs du secteur et d’universitaires.
Dans son intervention, Mme Baeza a réitéré le soutien de l’Union européenne au programme de réformes dans lequel s’est engagéela Tunisie, qui s’est traduit, depuis 2011, par le doublement de l’aide européenne non remboursable, faisant dela Tunisiele principal bénéficiaire de l’assistance additionnelle aux pays de la zone du voisinage sud. En 2015, l’aide au seul titre du voisinage s’est élevée, selon elle, à 185,6 millions d’euros. A cette enveloppe s’ajoute le déploiement d’une assistance macro-financière sous forme de prêts à la balance de paiement d’un montant de 300 millions d’euros, dont la deuxième tranche de 100 millions d’euros devrait être prochainement décaissée.
«Au-delà de ces appuis financiers, le lancement des négociations pour la conclusion d’un accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) entre l’UE et la Tunisie offre de nouvelles opportunités d’intégration plus profonde de l’économie tunisienne dans l’espace euro-méditerranéen mais également de coopération pour la modernisation de l’économie tunisienne. Ce jumelage répond tout à fait à ce double objectif», a-t-telle affirmé.
Il s’agit d’un projet qui s’étalera sur 24 mois et qui a démarré le 11 mai 2015. Il est financé par l’Union européenne à hauteur de 745.000 euros, dans le cadre du Programme d’appui à l’accord d’association et à la transition (P3AT). Il nécessitera la mobilisation de 14 experts dela Banquede France et dela Bundesbank,soit 175 H/J, outre l’organisation de visites d’étude (120 H/J) et de séminaires de formation (20 H/J) pour les experts dela BCT.
Le jumelage vise la modernisation des modalités de mise en œuvre de la politique monétaire confiées aux directions opérationnelles dela BCTà travers la coopération avec des organismes homologues de l’Union européenne notammentla Banquede France etla Deutsche Bundesbank(la banque fédérale d’Allemagne). Il aura comme principaux objectifs : la mise en place d’un dispositif opérationnel de régulation de la liquidité bancaire cohérent, efficace et sécurisé ; la conception d’un nouveau système de gestion des collatéraux basé sur des critères d’éligibilité clairs et des mesures de contrôle de risques ; l’élaboration de modèles appropriés pour la prévision à court et moyen terme de la liquidité bancaire ; et l’alignement du fonctionnement du marché interbancaire et du marché des titres de créances négociables sur les normes internationales.
Cette expérience fait suite à une première organisée avec le partenaire français et en continuité avec ce qui a pu être réalisé. Le premier jumelage avait pour objectif de doterla Banquecentrale de Tunisie d’un cadre d’analyse et de prévision capable de lui permettre, le moment voulu, de migrer vers une stratégie de politique monétaire axée sur le ciblage de l’inflation. En effet, l’objectif principal de la politique monétaire est de maintenir la stabilité des prix et une banque centrale a pour mission générale de préserver la stabilité des prix, grâce au taux directeur qui représente sa cible opérationnelle et constitue l’élément central du pilotage monétaire.
«Aujourd’hui, la Banque centrale dispose d’une boite à outils qui lui permet de mener des analyses fines de la situation économique, monétaire et financière du pays. Les modèles de prévision de la croissance et de l’inflation, développés à la Banque centrale, habilitent non seulement à confectionner des tableaux de bord, fort utiles comme support d’aide à la décision, mais surtout, de mener une politique monétaire proactive à même d’ancrer les anticipations inflationnistes, et par là, d’être en mesure de ramener l’inflation vers sa cible implicite à moyen terme», a précisé M. Ayari, dans son allocution d’ouverture.
De ce fait, les décisions de politique monétaire introduites par les organes de décision (Conseil d’Administration sur proposition d’un Comité de politique monétaire) sont prises, au cours de la période récente, sur la base d’une évaluation plus approfondie de la conjoncture économique, de l’évolution des prix, des agrégats monétaires et de l’environnement international. La conduite de la politique monétaire est devenue de plus en plus proactive, anticipant sur les grandes tendances attendues pour la période à venir.
L’amélioration du cadre opérationnel de mise en œuvre de la politique monétaire permettra de conférer plus de profondeur au marché monétaire, au marché des changes, au marché obligataire et de manière générale d’améliorer la liquidité et l’attractivité du marché financier tunisien.
Outre la dynamisation du marché interbancaire des liquidités et une gestion plus rationnelle de la trésorerie bancaire,la Banquecentrale ambitionne, à travers ce projet, de renforcer l’efficacité de la politique monétaire, grâce à une meilleure compréhension du fonctionnement des canaux de transmission des impulsions monétaires, contribuant ainsi à préparer le terrain pour une plus grande libéralisation financière de l’économie tunisienne, à même de lui permettre de drainer des flux de capitaux stables pour financer les investissements productifs, créateurs d’emplois, a indiqué le gouverneur dela BCT.
Les actions de modernisation et de perfectionnement se concentreront également sur l’amélioration de la qualité de la communication dela Banque Centralequi constituera un vecteur qualitatif de transmission des impulsions de la politique monétaire.
Et d’ajouter, «la Banque Centrale a engagé un processus ambitieux de modernisation du secteur bancaire destiné à améliorer les pratiques de marché et à accroître la solidité des banques et leur compétitivité.
Des avancées notables ont été réalisées dans ce sens, avec notamment la promulgation de textes visant le renforcement des règles de bonne gouvernance dans les établissements de crédit ainsi que de nouvelles exigences en matière de provisionnement, de solvabilité et de liquidité par le relèvement progressif du ratio de solvabilité minimum à 9% en 2013 puis à 10% à partir de 2014, parallèlement à l’institution de nouvelles règles prudentielles de gestion de risque de liquidité à court terme selon la norme bâloise (le fameux LCR), décisions entérinées en 2015, mais dont l’application graduelle s’étendra jusqu’en 2019.»
Chedly Ayari a évoqué, également, les autres projets de réformes stratégiques qui ont été déjà engagés parla Banque Centraleet qui se trouvent à des stades assez avancés à l’instar de la refonte des statuts dela Banque Centrale, afin de la doter d’un cadre juridique digne d’une institution moderne. De même, un projet d’amendement de la loi régissant l’activité bancaire, est en cours de finalisation, dans l’objectif de moderniser le système bancaire tunisien et de le doter des meilleurs principes et règles de marché.
Pour lui, la conjoncture économique difficile par laquelle passela Tunisieappellela Banquecentrale à être constamment dans une situation d’arbitrage entre une politique monétaire contra-cyclique, visant à contribuer à une croissance soutenue et durable et sa mission principale consistant à préserver la stabilité des prix. D’ailleurs, la récente baisse du taux directeur dela Banquecentrale s’inscrit parfaitement dans cette logique des choses.
La réussite de ce projet nécessitera l’adhésion des banques et toute la place financière à cet objectif, grâce à une plus étroite collaboration et à la mise en œuvre de toutes les synergies et toutes les capacités à leur disposition, qu’elles soient humaines ou techniques pour concrétiser les réformes proposées.
M. Ayari a, également, insisté sur la nécessité de se pencher sur les moyens pouvant permettre de parer aux imperfections caractérisant le fonctionnement du marché monétaire, en donnant l’importance requise aux techniques les plus évoluées de gestion des risques. Il a évoqué, dans ce contexte, la réticence des banques à s’adonner aux opérations de repo, bien qu’il s’agisse d’opérations sécurisées, régies par un cadre légal et réglementaire exhaustif. Il a aussi parlé du projet de livraison contre paiement (LCP) qui compte parmi les réformes engagées parla Banque Centrale, connait des avancées significatives et sa mise en application se concrétisera dans un futur proche, de concert avec Tunisie clearing.
«Ce n’est qu’à ces conditions qu’on pourrait espérer l’émergence d’une courbe de taux monétaires, ouvrant la voie à une plus grande libéralisation financière et à une possible déconnexion par rapport au TMM», a-t-il souligné.
La modernisation de la conduite de la politique monétaire n’est pas une fin en soi, mais plutôt un changement d’état d’esprit et de modèle de communication qui aidera le secteur réel à mieux appréhender les décisions de politique monétaire et par conséquent, accroit l’efficacité de ses mécanismes de transmission. L’objectif recherché, in fine, est de faire de cette politique un facteur déterminant dans l’allocation optimale des ressources de l’économie, sur la base d’un libre jeu des mécanismes de marché, où la complémentarité entre les différents compartiments du marché financier incite à l’arbitrage entre les maturités, les instruments et le régime de taux.
Ce degré d’évolution constituera une étape pour l’accélération de l’intégration commerciale et financière dela Tunisiedans l’économie mondiale.
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