L’Institut arabe des Chefs d’Entreprises (IACE) a fait parvenir, à Business News, cet article.

25/04/2014

L’Institut arabe des Chefs d’Entreprises (IACE) a fait parvenir, à Business News, cet article. Nous le publions tel que reçu.

Des Conditions Inédites mais Favorables :

La Tunisie a vécu, ces derniers mois, l’issue d’une période de transition politique spécialement éprouvante, couronnée par une sortie laborieuse, d’une succession de crises aiguës ayant mis les nerfs des tunisiens à rude épreuve, par la finalisation de la nouvelle Constitution par l’ANC et l’accord relatif à la désignation d’un gouvernement de compétences nationales.

Relativement plus apaisés, les Tunisiens sont en droit de s’interroger sur les questions d’ordre économique, largement marginalisées, en vue de retrouver le chemin de la croissance économique, seule garantie d’amélioration de leurs conditions de vie.

Il convient alors de déterminer d’abord les actions prioritaires à mener pour redresser les indicateurs économiques. L’idéal serait de mettre en œuvre un plan adapté aux conditions de la situation actuelle qui obtiendrait l’adhésion de la majorité tout en permettant, à terme, un réel redémarrage de l’appareil productif. La réponse n’est pas du tout évidente en raison des intérêts divergents des agents économiques et de leurs visions centrées souvent sur des considérations “court-termistes”.

Par ailleurs, la situation se caractérise par des conditions particulièrement délicates : Une demande interne atone face à une inflation coriace, un investissement privé productif qui ne décolle pas, tandis que l’investissement public est plombé par des ressources budgétaires limitées, et une capacité d’exécution largement entamée.

Face à cette multitude de contraintes, on se rend de plus en plus compte que l’économie a besoin d’un véritable électrochoc sous la forme d’un plan de restructuration. Cette restructuration ne peut venir que d’une augmentation sensible de l’indice de production. Or il est acquis que les facteurs de production, en termes d’investissement et de recrutement, risquent de demeurer inchangés durant quelques temps, d’où la nécessite de se pencher sur les gains de productivité que l’on peut envisager, surtout que ladite productivité a été, de l’avis de tous, fortement malmenée ces trois dernières années au niveau de la quasi-totalité des secteurs d’activité.

Des gains de productivité, s’ils sont bien maîtrisés auraient, à moindre coût, des conséquences favorables aussi bien sur l’offre que sur la demande, et finalement sur la croissance.

Il s’agit d’un véritable boulet qui handicape la compétitivité de l’économie nationale depuis longtemps et qui s’est aggravé après la révolution de janvier 2011. Sans compter que les mesures attendues pour un rééquilibrage des comptes publics risquent d’aggraver la compétitivité de nos entreprises, et que seule une amélioration sensible de la productivité pourrait compenser valablement.

La productivité se mesure par la production additionnelle par unité supplémentaire d’une ressource productive quelle qu’elle soit, (équipement, main d’œuvre, etc.). De ce fait, on parle de gain de productivité du capital qui découle d’un investissement additionnel qu’il soit matériel ou immatériel, d’une nouvelle technologie, d’un investissement additionnel en recherche et développement ou à défaut d’un meilleur usage des équipements existants. On peut également évoquer les gains de productivité découlant du facteur travail en tant que main d’œuvre contribuant directement par leur force physique à la croissance de la production ou en tant que capital humain concourant plus par sa compétence et son savoir-faire.

Il convient également de préciser que la productivité peut dériver d’un meilleur management ou d’une organisation plus performante ou d’une contribution plus efficiente des moyens humains à réaliser les objectifs de production.
La mesure de la productivité suppose qu’il est possible d’isoler l’effet d’une seule ressource sur la production, ce qui n’est pas simple. On peut alors définir la productivité multifactorielle en tant que production additionnelle sous l’effet de l’augmentation combinée de tous les facteurs de production.
Dans tous les cas, cela met la productivité au centre du processus stratégique de l’entreprise : une augmentation de la productivité du travail entraine en général l’augmentation des salaires alors que la productivité du capital permet d’améliorer la rentabilité financière des investissements notamment en biens d’équipement. 
Un Pacte National pour sortir par le haut :

Les pactes visant à mettre en place des accords entre acteurs sociaux et économiques partageant des objectifs communs sont assez fréquents. A ce titre, en France, pour favoriser et débloquer la croissance, un accord a été établi au début de l’année courante entre les différents partenaires sociaux, dénommé pacte de responsabilité, ce pacte se donne pour principal objectif d’améliorer les conditions de compétitivité des entreprises par un allégement des charges sociales en contrepartie d’un effort en matière d’emploi et de dialogue social. Deux années auparavant, un autre pacte avait été négocié en France. Il s’agissait du programme crédit d’impôt compétitivité-emploi, constitué de plusieurs leviers de compétitivité déclinés en une trentaine de mesures concrètes.

L’Italie a eu également son pacte autour de son déficit public avec des mesures centrées sur un allégement fiscal pour les revenus modestes

Les autorités politiques du pays ont tout intérêt à négocier un pacte autour d’un axe unique et fondamental pour redresser la croissance, qui pourrait être la productivité.
Au-delà de l’accord à formaliser sur les gains de productivité, avec les détails techniques nécessaires en termes d’effets escomptés et de calendrier des mesures à appliquer, le plus important consiste à ce que les autorités puissent communiquer avec la pédagogie nécessaire auprès des tunisiens qu’ils soient entrepreneurs, salariés des secteurs public et privé, en vue d’en faire respecter les termes, selon lesquels, chaque partie s’engage à améliorer la productivité en contrepartie d’une révision des salaires futurs sur la base des fruits de la croissance qui sera ainsi générée. De ce fait, l’accord consiste à soutenir la croissance à travers une relance de l’offre, dont les bénéfices peuvent se manifester aux travailleurs par un maintien ou une amélioration des postes d’emploi, une stabilité bénéfique du niveau général des prix, ce qui pourrait influencer positivement le pouvoir d’achat des consommateurs. Cette relance de la croissance pourrait engendrer également de meilleures recettes aussi bien pour l’entreprise que pour l’état.

L’accord à adopter ne peut être crédible que si les partenaires signataires respectent leurs engagements avec la sincérité et la responsabilité qui s’imposent. Toute manœuvre illicite visant à en tirer bénéfice pour un groupe au détriment des autres conduirait à une perte généralisée des avantages escomptés.

L’approche pour la mise en œuvre d’un tel pacte national serait toutefois différente de celle qui a présidé à la négociation du dialogue national. En effet, les principales organisations nationales, patronales et syndicales, seraient ici des parties prenantes qui ne pourraient pas se prévaloir du rôle d’arbitre. Ce pacte devra par ailleurs être l’occasion de consacrer le pluralisme au niveau de ces représentations professionnelles.

L’Etat aura, par ailleurs, à assumer un rôle complexe dans sa contribution au dialogue, dans la mesure où il a un rôle multiple qui pourrait fausser l’issue des accords.
L’Etat gestionnaire doit contribuer au pacte national, à travers une amélioration de la productivité de l’administration, libérer les énergies et contribuer à accélérer la prise de décision en faveur de l’investissement, réduire les délais d’instruction des dossiers d’autorisation et alléger les procédures administratives qui bloquent l’initiative privée.
L’Etat, entrepreneur public, doit mettre en œuvre un programme de redressement en faveur de la productivité, au sein des principales entreprises publiques, dont les activités sont en lien direct avec les performances du secteur privé.

Nous pouvons citer la STEG dont l’amélioration de la productivité doit permettre de compenser les mesures prévues d’augmentation des coûts de l’énergie qui vont affecter la compétitivité des entreprises.

Le Groupe Chimique Tunisien, en vue de relancer le niveau de production du phosphate et ses dérivés qui contribuent de manière directe et importante aux équilibres budgétaires du pays.

Le secteur des Transports et de la logistique, avec en particulier l’amélioration urgente et nécessaire des conditions d’exploitation du port de Radès, dont les surcoûts liés aux mauvaises performances affaiblissent la compétitivité de nos entreprises, ou encore le secteur bancaire dont la contribution à l’économie et à l’investissement n’est pas à la hauteur des niveaux requis.

Enfin, l’Etat est le régulateur de l’économie qui se doit, à ce titre, de mettre en œuvre une stratégie de lutte contre le commerce parallèle qui introduit des distorsions au niveau du marché, de nature à compromettre tous les efforts en faveur de la productivité.

Le pacte sera concrétisé par la contribution des différentes parties en faveur d’une économie plus productive, ce qui profitera à tous. Des entreprises soumises à moins de prélèvements créeront plus de valeur et contribueront à l’amélioration des conditions de travail et du pouvoir d’achat des salariés. L’Etat se verra, en retour, substituer le manque à gagner dû à l’allégement fiscal par des recettes additionnelles suite à la relance de la consommation et des recettes fiscales directes. Le succès de l’opération réside également dans le degré de la prise de conscience des intervenants, qui doit être générale et massive. L’effort doit être entretenu, juste et profitable à tous, même si c’est à des niveaux distincts. Un tel accord doit être dicté par une vision stratégique des intérêts des divers partenaires économiques et sociaux, visant à offrir à la Tunisie une bouée de sauvetage économique salutaire similaire aux accords politiques obtenus par le dialogue national, d’autant que l’appel à un dialogue national consacré aux problèmes économiques de la Tunisie fait son chemin et semble être la seule alternative du moment, viable, pertinente et responsable .

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