Marzouki a-t-il vraiment changé?
25/004/2015
Moncef Marzouki prépare son grand retour sur la scène politique aujourd’hui avec le lancement de son « harak ». Traduction « le mouvement ». Un mouvement qu’il refuse de qualifier de parti politique, encore, et qui porte le nom prosaïque de « mouvement du peuple des citoyens ». S’agit-il d’une résurrection du défunt CPR qui s’est pris une déculottée lors des dernières élections législatives en ne récoltant que quatre sièges au parlement ? Force est de constater que l’ancien président n’a pas supporté longtemps de rester à l’ombre.
Alors que Moncef Marzouki avait complètement disparu de la scène politique après avoir remis les clés de Carthage à Béji Caïd Essebsi, il n’a pas cessé de cogiter pour donner naissance à son nouveau bébé. De son échec au deuxième tour de l’élection présidentielle qui l’avait opposé à son ennemi de toujours, le bourguibien et destourien Béji Caïd Essebsi, Moncef Marzouki n’est pas sorti indemne. Pour panser ses plaies, il s’est réfugié à Paris pour ensuite rentrer dans sa résidence d’El Kantaoui à Sousse et préparer son grand retour.
Mais cet évenement en sera-t-il réellement un ? Moncef Marzouki, habitué d’une politique un peu trop dispersée, et un brin farfelue, décidera-t-il de se remettre en question et de repenser sa manière de faire ?
Nombre de ses compagnons de route semblent, vraisemblablement, peu confiants quant à l’avenir de ce mouvement. Même s’il n’a pas encore réellement vu le jour, il a déjà perdu plusieurs de ses figures de proue à l’instar d’Abderraouf Ayadi, compagnon de route de Marzouki, ou encore de Mourad Rouissi et Fouaiz Saidi.
Moncef Marzouki avait annoncé auparavant qu’il renonçait à sa carrière politique. Il a raté sa chance de redevenir, à nouveau, l’opposant farouche qu’il était du temps de Ben Ali. Mais cette casquette d’opposant politique, Marzouki a préféré la laisser au placard préparant son retour en scène. Pourquoi a-t-il préféré s’éclipser au lieu de jouer pleinement son rôle d’opposant à ses ennemis d’hier ? Autant dire que l’exercice du pouvoir actuel prête à moult critiques et n’attend que des propositions constructives pour avancer et sortir du marasme dans lequel il s’est embourbé.
Ceci dit, le règne de Moncef Marzouki a aussi été marqué par une succession de bourdes aussi loufoques et navrantes les unes que les autres. De l’affaire Baghdadi Mahmoudi, à l’emprisonnement de Jabeur Mejri, son soutien inconditionnel au Qatar, ses discours haineux, l’édition du Livre noir, sa gestion du Palais de Carthage qui a servi de refuge aux extrémistes de tous bords. La liste est encore longue.
Il ne s’agit pas aujourd’hui de remuer le couteau dans la plaie. Cette époque est révolue et c’est un nouveau président qui s’expose au feu des critiques aujourd’hui : son successeur Béji Caïd Essebsi. Mais si on en parle aujourd’hui, c’est parce que Marzouki a attendu tout ce temps pour préparer son grand retour sur la scène politique pour s’exposer de nouveau aux feux des projecteurs.
Marzouki a décidé de laisser de côté son rôle de mauvais perdant. Celui qui n’a pas arrêté de tirer sur son rival l’accusant même de fraudes qu’il avait lui aussi commises, a préféré s’offrir une retraite pour repenser ses plaies et s’offrir un nouveau visage. Un exercice d’opposant aurait sans doute asséné le coup de grâce à une figure déjà fragilisée par l’exercice du pouvoir. Il aurait été un opposant peu constructif à l’instar du rôle joué (fort malheureusement) par Hamma Hammami aujourd’hui.
Dans son discours d’aujourd’hui, Moncef Marzouki a fait son mea culpa. Son allocution, la première depuis son départ de la Présidence, a cependant gardé le même ton. Le révolutionnaire d’hier ne cesse d’employer le même vocabulaire. « Tyrannie », « ancien régime », « passé », « forces contre-révolutionnaires »… de quoi nous rappeler ses anciens discours.
Moncef Marzouki a-t-il réellement changé ? Très peu probable en aussi peu de temps. Mais il semble admettre avoir commis certaines erreurs, de là à être prêt corriger, il ne reste qu’à espérer. Pour l’instant, Marzouki prépare, doucement mais peut être aussi sûrement, son grand retour. Une scène politique appauvrie et dispersée saura sans doute l’accueillir.
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