Moncef Marzouki : Le révolutionnisme en fonds de commerce
26/04/2015
La scène politique tunisienne a vu, samedi 25 avril, le retour fracassant de l’ancien président de la République, Moncef Marzouki. Même s’il est apparu plus tempéré que d’habitude, son discours n’a pas évolué et il continue à se présenter comme le chantre de l’intégrité et le leader d’une révolution avortée, selon lui.
Le palais des Congrès de Tunis était plein à craquer dans l’après-midi du samedi 25 avril. Cette réunion a été organisée en guise de congrès préparatoire à la « mouvance du peuple des citoyens », futur mouvement de Moncef Marzouki. Plusieurs observateurs attendaient de ce congrès qu’il précise les contours et le programme de cette « mouvance ». On attendait que l’ancien président annonce s’il s’agit d’un parti politique ou d’une association. Il était attendu qu’il détermine le mode d’action qui sera privilégié, mais il n’en a rien été.
Plusieurs personnes ont été vues au palais des Congrès. Il y avait notamment, Imed Daïmi, secrétaire général du CPR, Salim Ben Hamidène, ancien ministre CPR de la troïka, ainsi que le blogueur Yassine Ayari, récemment sorti de prison. Quant au discours de Moncef Marzouki, rien de nouveau à l’horizon.
L’ancien président de la République a enfourché, encore une fois, des chevaux de bataille usés pendant sa présidence et pendant sa campagne présidentielle. La chimère de la contre-révolution a été sortie par Moncef Marzouki puisque celle-ci l’aurait empêché, selon lui, d’aller plus loin dans les réformes. C’est ce qu’il a déclaré lorsqu’il a présenté ses excuses à ses électeurs. Il a également avoué avoir commis une erreur en n’ayant pas démissionné. Mais il faut rappeler qu’il avait fait un discours complet, quand il était président de la République, pour signifier qu’il ne démissionnerait pas. Il avait même justifié cela en disant que démissionner serait un acte de lâcheté devant la situation dramatique du pays.
Moncef Marzouki s’est également inquiété de l’indépendance et de la souveraineté du pays. En effet, il a déclaré que certains pays, grâce à leur influence et leur argent, ont un avis écouté dans le choix des leaders et des politiques de la Tunisie. Pourtant, durant sa présidence, la Qatar était l’un des pays qu’il s’égosille à dénoncer aujourd’hui. C’est durant sa présidence qu’il mettait en garde les Tunisiens contre le fait de porter atteinte au Qatar.
Un autre des chevaux de bataille de Moncef Marzouki est la menace de l’ancien régime. Dans son discours, l’ancien président de la République a déclaré que la Tunisie n’avait pas besoin de normaliser avec l’ancien régime de peur de sa nuisance. Il a ajouté que l’ancien régime était plus des mentalités et des politiques que des personnes. Pourtant, c’est bien la présidence de la République de Moncef Marzouki qui avait un train de vie faramineux. C’est bien Moncef Marzouki qui a nommé une pléthore de conseillers dès qu’il a eu le siège. On se rappellera également des factures fuitées par Anonymous qui montraient que des dizaines de milliers de dinars étaient dépensés en frais de bouche.
Moncef Marzouki s’est également intéressé à la politique extérieure. C’était l’un de ses champs de prédilection quand il était au pouvoir et c’était, donc, l’un des domaines dans lesquels il a fait le plus de dégâts. Dans son discours au palais des Congrès, Moncef Marzouki a évoqué la situation en Egypte. En effet, il a explicitement demandé la libération de l’ancien président égyptien, Mohamed Morsi, ainsi que tous les prisonniers politiques. Il en a profité pour faire le geste de « rabâa » qui est assimilé à un signe de rassemblement entre sympathisants de l’islam politique. L’ancien président de la République a revêtu sa cape de défenseur des libertés et des droits de l’Homme pour surfer sur la même vague qui l’avait porté en 2011 à la présidence de la République. Toutefois, ce que lui et ses sympathisants semblent oublier, c’est qu’il y a eu une présidence entre temps. Par exemple, son soutien, Yassine Ayari, avait été condamné sous la présidence de Moncef Marzouki. Ça n’a pas empêché le blogueur de venir applaudir le discours. D’autre part, on rappellera l’affaire Jabeur Mejri. Ce jeune avait été emprisonné à cause de dessins jugés hostiles à la religion. Moncef Marzouki avait alors justifié cet emprisonnement par le fait que garder Jabeur Mejri en prison était nécessaire pour la propre sécurité du détenu. A cause de ses dessins, il aurait pu être attaqué par des salafistes selon les propres justifications de Moncef Marzouki.
Au niveau politique, Moncef Marzouki a invité toutes les forces politiques ayant les mêmes principes et les mêmes objectifs que lui à « construire le cadre politique de la mouvance ».Cette nouvelle force politique devrait, selon lui, être prête avant l’automne prochain en prévision des élections municipales. Toutefois, la participation éventuelle à ces élections n’est pas clairement annoncée. Il a profité de l’occasion pour demander au gouvernement d’organiser lesdites élections avant la fin 2015.
Après avoir goûté aux joies du pouvoir, Moncef Marzouki ne pouvait pas prendre sa retraire et se soustraire à la notoriété offerte par la politique. Il fallait, pour lui, préparer minutieusement son retour. Le timing est aussi bien étudié dans le sens où le principal concurrent, Nidaa Tounes, est dans un moment de faiblesse. Le vide laissé par les partis politiques tunisiens laisse un espace substantiel à une formation comme celle de Moncef Marzouki. L’avenir nous dira si cette formation prendra part aux élections.
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