Partenariat public-privé : soumission à l’étranger ou coup de pouce à l’intérêt national ?

18/11/2015

L’ARP a voté majoritairement le projet de loi sur le partenariat public-privé, plus connu sous le nom de PPP. Ledit projet a été adopté, vendredi dernier, dans son intégralité avec 114 voix pour, 10 abstentions et 6 voix contre.

 

En vertu de cette loi, la personne publique peut confier à un prestataire privé une mission relative au financement, à la construction ou à la transformation d’ouvrages ou d’équipements ou encore d’infrastructures, matérielles ou immatérielles, nécessaires au service public. En contre partie, le partenaire privé reçoit un paiement du partenaire public.

Le but étant de « développer l’infrastructure » et d’« impulser l’investissement public »« Le savoir-faire du secteur privé » et « son expérience » seront mis à profit pour mener à bien ces projets, stipule l’article 1.

 

La loi sur le PPP définit également le cadre général des contrats de partenariat public-privé, leurs modes d’élaboration, de même que les mécanismes de leur application et de leur contrôle. Les contrats conclus doivent répondre, comme le dispose l’article 4, à un besoin fixé à l’avance par l’Etat et qui prend en considération les priorités nationales et locales ainsi que les objectifs des plans de développement. Ils doivent aussi respecter, tel qu’indiqué dans l’article 5, les règles de bonne gouvernance, de transparence des procédures et l’égalité des chances.

A ce titre, l’article 17 énonce que le partenaire public est appelé à publier les décisions d’octroi sur son site internet ainsi que dans les espaces d’affichage lui appartenant et ce pendant 8 jours.

 

Un long débat a précédé le vote en plénière. Bien que voté à la majorité, ledit projet a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part de l’opposition. L’élu frontiste, Ammar Amroussia, considère que le moment n’est pas opportun pour légiférer une telle loi. Il fallait d’abord installer un climat propice qui soit débarrassé de la corruption.

Pour Abdelmoumen Belanes, ce projet n’émane pas d’une volonté patriotique ni nationale. L’élu Front populaire, dénonce, en effet, une ingérence étrangère. « Une pression extérieure, dit-il, a été exercée pour forcer le vote ». Il n’adhère pas, par ailleurs, à l’argument selon lequel « le PPP serait de grande utilité notamment pour financer les projets de grande taille ». Cela ne tient pas la route à ses yeux. « Vous dites chercher des moyens de financement alors que ce ne sont pas les ressources qui manquent », a-t-il avancé.

« Divers points de vue ont été exprimés par les députés », indique Ahmed Seddik, président du bloc Front populaire à l’ARP. Toutefois, au lieu de soulever les vraies questions, « le débat prend l’allure d’un conflit idéologique gauche-droite ». « Avons-nous des profils capables de rédiger de manière minutieuse et correcte les contrats de partenariats entre le public et le privé ? », s’interroge le dirigeant de gauche.

 

En revanche, d’autres députés, en particulier ceux de la coalition au pouvoir, ont soutenu ce projet. Tarek Fetiti de l’UPL, a indiqué que ce partenariat permettra à l’Etat de profiter des qualités « indéniables » du secteur privé telles que « la flexibilité » et « la rapidité de service ». Prenant la parole, Noureddine Bhiri a répliqué aux critiques lancées par l’opposition. « Vous voulez une infrastructure, en même temps vous êtes contre le PPP. Si vous vous y opposez, alors il faudrait que vous proposiez des solutions ! », a-t-il lâché en substance. Le leader islamiste a souligné que le pays a besoin d’une batterie de grands projets pour se développer et se moderniser. Sur ce point, le secteur privé, de par la qualité de ses services, a une grande contribution à apporter, a-t-il complété.

 

Défendant la loi sur le PPP, Ahmed Zarrouk, secrétaire général du gouvernement, a indiqué que celle-ci offre au partenaire privé tunisien des avantages comparatifs supérieurs par rapport à ceux proposés au partenaire étranger. Le taux de main d’œuvre locale figure, en effet, parmi les critères de sélection. De ce fait, les entreprises ayant un personnel tunisien sont privilégiées par rapport aux autres. Aussi, les missions de sous-traitance sont obligatoirement attribuées aux PME tunisiennes.

 

En dehors de l’Assemblée, la loi sur le PPP suscite les craintes de plusieurs organisations nationales, notamment l’UGTT qui y voit une « privatisation déguisée ». La centrale syndicale estime aussi que les prix des prestations publiques vont augmenter à cause du PPP et que cela aura par conséquent des répercussions sur le pouvoir d’achat des citoyens.

 

Le partenariat public-privé a été testé dans de nombreux pays. Cette approche de la gestion publique a été appliquée pour la première fois en 1992 au Royaume-Uni. Depuis, ce modèle a été reproduit dans d’autres pays développés, mais également dans les pays en développement. D’après les statistiques dela Banquemondiale, 2.500 projets d’infrastructure en PPP ont été lancés entre 1990 et 2001, pour un montant de 750 milliards de dollars. Toutefois, les avis demeurent partagés sur l’utilité des PPP.

Alors que recommandé par plusieurs institutions financières internationales telles que la BMet la BEI, les PPP sont toutefois critiqués par d’autres politiques qui les qualifient de « nuisibles à la démocratie » et « sans bénéfice en matière de coût ou d’efficacité de gestion ».

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