Pourquoi la coproduction est-elle le modèle à suivre ?
Les entreprises qui coproduisent sont celles qui ont su évaluer les ressources désormais disponibles au Sud (main-d’œuvre formée, infrastructures, dynamisme social) et déceler avant les autres leur potentiel. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si bon nombre d’entre elles sont des entreprises du Sud qui s’implantent au Nord selon un schéma comparable, comme l’algérien Cevital qui a racheté Fagor-Brandt cette année.
Elles agissent ainsi pour deux raisons. Premièrement, le développement au Sud d’activités à forte valeur ajoutée peu onéreuses soutient leur stratégie de recentrage, au Nord, sur le développement de produits innovants de grande qualité pour les marchés européens. Deuxièmement, le renforcement de la présence au Sud est conçu comme un moyen de mieux aborder aujourd’hui les marchés en croissance de la région, et demain ceux d’Afrique sub-saharienne, où s’installe déjà la concurrence, chinoise notamment.
Le Sud de la Méditerranée n’est plus une base arrière dédiée à la sous-traitance, mais une base avant, dédiée à la conquête de ces marchés émergents. La compétitivité est ainsi accrue au Nord comme au Sud.
Faire des pays du Sud de la Méditerranée des partenaires irremplaçables
Le modèle de la coproduction ne reproduit pas les contradictions inhérentes aux simples délocalisations (destruction d’emplois au Nord, création d’emplois précaires et non qualifiés au Sud, brain drain du Sud vers le Nord). Cette stratégie permet d’accompagner l’Union européenne dans son changement structurel vers l’économie du savoir (faire en sorte que les enfants d’ouvriers deviennent des ingénieurs). Elle permet aux pays du Sud d’offrir des perspectives d’avenir à sa jeunesse et de l’aider à connaître son émancipation économique sans avoir à s’expatrier.
Pour assurer le succès du modèle, il est nécessaire de consolider l’ancrage des pays du Sud dans l’espace productif européen. Dans l’ancien modèle de la sous-traitance, le lieu d’implantation importait peu. Le Maroc, la Tunisie ou l’Egypte auraient pu être indifféremment la Chine, l’Indonésie ou le Mexique. Il faut dorénavant que ces pays deviennent irremplaçables. Au Sud, les Etats doivent développer des programmes avec les entreprises, pour ajuster leurs capacités aux besoins généraux de l’industrie globale, mais aussi aux besoins spécifiques de l’industrie européenne : les standards, les métiers qui font défaut en Europe, etc.
Au Nord, l’Union européenne doit se résoudre à proposer un New Deal à ses partenaires méditerranéens, qui permettrait, par des investissements et une coopération renforcée, de mieux intégrer l’espace Nord-Sud auquel nous appartenons. Si les frontières économiques tombent, et que nous façonnons ensemble un avenir commun, la Méditerranée deviendra ce qu’elle doit être : un lieu d’échange, de progrès et de richesse partagée.
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