Spectacles culturels : qui arrêtera les inégalités entre public et privé ?
25/01/2016
Par les temps revendicatifs qui courent et les changements espérés dans les divers secteurs de la dynamique nationale, aux niveaux politique, économique, social et sécuritaire, le domaine culturel ne demeure pas en reste puisque les différents intervenants cherchent à se réorganiser dans un cadre plus sérieux.
C’est encore une fois, les milieux prônant l’encouragement de l’initiative privée qui font entendre leur voix pour un nivellement du secteur par le haut grâce à l’esprit de concurrence et de compétition qui ne peut que se répercuter positivement sur le rendement et la nature des spectacles culturels à offrir aux spectateurs tunisiens.
Profitant du dernier remaniement ministériel et l’avènement d’un nouveau titulaire du portefeuille de la Culture, en l’occurrence l’artiste, Sonia Mbarek, les personnes ayant des idées novatrices , estiment que la Tunisie est certes, entrée, suite à l’adoption de la Constitution il y a un an, irréversiblement, dans une étape marquée par les grandes mutations, notamment , d’ordre structurel.
Ces mutations impliquent, logiquement, des réformes pour ne pas rester à la traîne des révolutions enregistrées un peu partout. Et la culture n’y échappe pas.
En effet, en plus du droit à la Culture, désormais un droit constitutionnellement garanti, il est indéniable qu’il faudrait introduire davantage de démocratisation et de facilitation d’accès pour tous, à savoir les entrepreneurs culturels, ont un besoin urgent de réformes administratives et fiscales, pour pouvoir exercer leurs activités
Et dire que ces activités, selon les spécialistes du domaine, sont régies déjà par une loi existant bien avant celle de la création du département ministériel culturel, se sont retrouvées pénalisées par des modalités draconiennes, voire illégales.
Qu’on en juge : La retenue à la source est, désormais, exigée au préalable, soit avant même l’arrivée des artistes dans le pays et avant qu’ils ne perçoivent leurs émoluments, ce qui est contraire aux procédures comptables et fiscales d’usage dans le monde entier, sans oublier l’élargissement de la base de calcul de ces taxes au brut, conduisant à une hausse conséquente du montant dont il faut s’acquitter.
A tout cela s’ajoute le rôle que s’est arrogé le ministère de la Culture qui, de service public, s’est transformé en organisateur se plaçant dans une situation de concurrence déloyale. Ceci dans la mesure où il exploite des ressources humaines et des logistiques, déjà fonctionnelles pour d’autres tâches, donc sans frais supplémentaires, pour mener les tractations avec les artistes, notamment ceux étrangers.
En procédant à l’organisation matérielle des multiples festivals, le ministère devient juge et partie. C’est dans ce sens qu’il réglemente et approuve la constitution des sociétés, c’est lui qui autorise ou non la tenue des événements et organise et subventionne ses propres festivals à savoir : les JTC, les JCC, les JMC, la Foire du livre, le Festival international de Carthage, le Festival international de Hammamet et certaines manifestations occasionnelles qui viennent se rajouter régulièrement à la liste des événements au gré des occasions et des saisons.
Or, le bon sens veut que le service public culturel ne consiste pas à organiser des concerts donnés par des artistes étrangers ou locaux, mais implique surtout la subvention et l’aide à la création, et la mise en place d’une infrastructure culturelle. Mais il est regrettable de mentionner qu’aucune salle de spectacle digne de ce nom n’a vu le jour depuis plusieurs décennies.
Autrement dit, il ne s’agit pas uniquement d’un problème d’ordre moral, mais ce « statut » pose, également et surtout, un problème de constitutionnalité, puisque l’article 15 de la Constitution stipulant le respect des principes de neutralité et d’égalité et de transparence, d’impartialité, d’efficacité et de redevabilité. Or, dans le cas d’espèce, tous ces impératifs constitutionnels sont ignorés pour ne pas dire carrément violés en toute impunité.
Loin de tout esprit d’équité, le ministère de la Culture, en tant qu’organisateur, dispose de plusieurs longueurs d’avance sur le promoteur. En plus des avantages directs et indirects, les services du ministère ne publient aucun bilan chiffré sur d’éventuels bénéfices ou pertes tout en pouvant compter sur la générosité des subventions des services étatiques pour pallier aux déficits et à tout aléa de circonstance. Cela en suivant, dans plusieurs endroits, une approche de monopole, de fait que l’ancien régime de Ben Ali utilisait pour favoriser des proches de l’ancien président en toute impunité.
En face, voilà ce que doit endurer les promoteurs privés. En effet l’un d’eux apporte un témoignage significatif :
« La principale injustice, et inconstitutionnalité surtout, le système de taxation aléatoire nous traite encore au cas par cas, et nous place devant une inégalité flagrante entre événements publics et privés.
Et ce n’est qu’après avoir été placés devant l’obligation de devoir payer l’ensemble des taxes et droits par avance et avant que le festival n’ait lieu, que le promoteur peut commencer à annoncer son événement !
Pis encore, les textes réglementaires prévoient que l’administration peut accorder l’attestation qui permet d’organiser cet événement trois jours avant son démarrage. C’est-à-dire qu’un organisateur, qui se respecte, et devant l’incertitude d’obtenir le fameux agrément, se trouve contraint d’annoncer son spectacle avec tous les risques possibles d’un contretemps, à tout moment.
Car il se trouve devant d’autres obligations de marketing, de médiatisation, de publicité et de la mise en vente des billets. Autant d’aléas et de risques potentiels que n’encourt, nullement, le ministère et ses « organisateurs ».
C’est donc toute cette situation, marquée par l’indécision et les injustices, qui pousse les managers privés à manifester leur colère et leurs revendications pour une meilleures organisation du secteur dans un sens plus stable, plus juste.
Ils pourraient profiter, logiquement, du changement intervenu à la tête du département de tutelle, en la personne de Sonia Mbarek, pour lui réclamer de se pencher sérieusement sur le dossier et prendre les décisions qui s’imposent pour plus de transparence et d’égalité des chances de nature. Ceci afin d’encourager les volontés des initiateurs prives à s’impliquer dans les activités culturelles, l’objectif final étant de fournir une culture et des spectacles de qualité à l’instar de ce qui se passe sous d’autres cieux, pas très loin de chez nous.
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