«TIC: c’est tout un modèle économique à revoir»
19/06/2013
• Le système internet est désormais un système plan où tout le monde est rattaché à un seul point d’échange internet. «C’est comparable à un aéroport où tout le monde peut atterrir», illustre le DG. Et de continuer «Avant, nous n’avions qu’une piste, l’ATI»
Malgré une bonne infrastructure, le secteur des TIC demeure relativement peu développé. En effet, d’après M. Moez Chakchouk, directeur général de l’ATI, le secteur des télécommunications a passé plusieurs paliers, mais plusieurs insuffisances sont là. «Le gros lot de ces insuffisances est relatif au cadre réglementaire régissant les activités sur Internet», précise-t-il. L’internet est régi par des décrets et arrêtés datant de 1997. Pourtant, Internet a beaucoup changé, depuis. Mais, pour des raisons sécuritaires, avance-t-il, on gardait le flou pour dissuader les investisseurs. De même, pour le code de 2001 qui a été élaboré pour gérer des activités plutôt de téléphonie et pas sur Internet. «De toutes les façons, ce code a réalisé ses objectifs mais il n’est plus approprié à la réalité d’aujourd’hui», estime le DG. Dans cette perspective, il soutient la thèse de «reengeneering»: il faut repartir de zéro. Pour ce qui du nouveau code de la télécommunication, il le qualifie de «brèche». Ce code est de nature à dissiper la grisaille et rendre le paysage des TIC plus compréhensible.
Une nouvelle architecture
Force est de constater qu’une large frange des utilisateurs assimilent Internet à un média. «Et c’est assez réducteur comme utilisation», estime-t-il. Car, l’objectif premier du secteur des TIC est la création de contenus et non la consommation. Avec ce mode de consommation, même l’information produite par nos télés locales, qui est accessible gratuitement sur antenne et sur leurs sites, devient onéreuse à partir du moment où on la consulte à travers des pages Facebook. «On paye de l’argent pour ça, à savoir l’utilisation passive de Google et Facebook», déplore-t-il. Ainsi, il faut inverser la tendance des flux et soutenir les sortants, «générateurs de devises», insiste-t-il. Il est vrai que l’architecture générale du dispositif Internet en Tunisie ne le permettait pas. D’ailleurs, «il y avait des étages, de l’opérateur à FSI, à Tunisie Télécom (TT)… puis ATI», énumère-t-il. Ainsi, nous avons plus de fibres que d’autres pays, martèle-t-il, mais en terme d’architecture nous n’avions pas un système conforme aux standards internationaux d’Internet.
Maintenant, ce dispositif a changé par la création de l’IXP, un pont d’échange internet. «L’ATI n’est plus un passage obligé, et nous sommes contents de cela», ajoute le DG de l’ATI. Le système internet est désormais un système plan où tout le monde est rattaché à un seul point d’échange internet. «C’est comparable à un aéroport», illustre-t-il. Et de continuer «Avant, nous n’avions qu’une piste, l’ATI».
Dans ce nouveau dispositif, les compagnies de tout bord peuvent créer du trafic. Et le trafic sortant est générateur de devises. D’où, il faut miser sur cette création de trafic sortant. Le point d’échange TuniXP est le premier «aéroport» dans la région. Et en plus, «On en aura un autre dans la région d’Ennfidha», annonce-t-il.
Et pour les tarifs
Pour baisser les tarifs il faut faire jouer la concurrence. Pour ce faire, il est indispensable de mettre sur pied un cadre légal qui garantit une concurrence loyale. «Et puis il faut éliminer les éléments qui représentent des surcoûts», ajoute le DG. Et d’illustrer: «Avant, il y avait un passage obligé par l’ATI. Et on avait un budget qui se chiffrait en millions de dinars pour filtrer le web». Heureusement, de nos jours, ces pertes sèches de temps et d’argent seraient réallouées à des œuvres plus profitables au secteur.
Sur un autre plan, il est opportun d’optimiser l’infrastructure étendue. «Les entreprises qui ont des réseaux en fibres peuvent, pour leur part, faire jouer la concurrence et baisser les tarifs», en se référant aux réseaux alternatifs des grandes entreprises évoluant sur d’autres secteurs.
Pour ce qui est des réseaux en cuivre, «on compte près de 4 millions de lignes dont l’exploitation est limitée à 25% de leurs capacités», estime-t-il. Bien qu’on n’ait pas à se plaindre au niveau de la téléphonie fixe, ce réseau offre encore de larges potentialités de transmission des données.
Dans cette perspective, les opérateurs du secteur sont appelés à faire jouer la concurrence et partager les mêmes ressources. Autrement, «ils vont se retrouver en train d’investir dans ce qui a été déjà investi par TT. Et on resterait toujours dans une logique d’achat de nouvelles infrastructures sans aller vers la production de contenus».
En somme, «c’est tout un modèle économique à revoir», résume-t-il. L’objectif est donc de mettre en place une stratégie gagnant-gagnant qui profite directement au client final. «Il ne faut pas qu’une réforme aille dans une seule direction, du côté du secteur privé ou du public», prévient-il. En d’autres termes, les opérateurs historiques du secteur, ATI et TT, doivent être protégés.