Une culture économique à encourager
07/06/2013
Le Mouvement européen pour la promotion de l’investissement en Tunisie (Mepit) vient de se ranger parmi les forces de la société civile qui se soucient de la question de l’emploi. Une priorité que l’on peut penser autrement, au-delà des circuits traditionnels et sentiers battus du marché du travail. L’essaimage semble être une alternative susceptible de faire prospérer l’entreprise et d’en alléger les fardeaux de gestion, dans la perspective de la rendre pourvoyeuse d’opportunités professionnelles supplémentaires. C’est là un mécanisme de financement et d’encouragement de l’esprit d’entrepreneuriat, avec plus d’autonomie et de compter-sur-soi. Lors de son colloque, le premier à avoir organisé depuis son lancement en janvier dernier, ce mouvement a attiré l’attention sur «L’essaimage : réalités et perspectives, enjeux et défis pour l’entreprise tunisienne». Cette manifestation à laquelle a été convié un parterre d’experts, de décideurs, d’entrepreneurs essaimés et des banquiers s’est déroulée au siège du Centre de promotion de l’exportation (Cepex) dans la zone urbaine d’El Omrane du Nord, à Tunis.
La présidente du «Mepit», Mme Samia Zaouali, a justifié le choix de ce sujet comme point de départ de ses activités par le fait que l’essaimage demeure, ailleurs, une expérience en vogue qui a fait actuellement ses preuves et porté, de la sorte, ses fruits. Contrairement à ce qui se faisait en Tunisie, où cette récente initiative économique entamée chez nous en 2006 remue les pieds sans avancer. Aujourd’hui, dans ce contexte de crise d’investissement qui sape la marche de développement national, elle a vivement recommandé de relancer l’essaimage sur des bases plus solides. Il est temps, a-t-elle encore ajouté, d’engager des réformes juridiques pour encourager davantage l’entreprise à essaimer une partie de ses activités ou services au profit de nouveaux promoteurs de projets, à qui elle doit assurer l’encadrement et l’accompagnement requis. Une logique qui a été fort défendue par M. Alaya Bettaieb, fondateur de la Société d’assistance et de gestion des fonds d’essaimage (Sages capital), née en 2005. Elle est destinée à «mobiliser les fonds nécessaires à mettre à disposition des futurs essaimés des entreprises publiques et privées adoptant et adhérant au programme national d’essaimage». Sont ciblés par ce mécanisme de financement non seulement le personnel de l’entreprise essaimeuse, mais aussi ceux venant de l’extérieur de l’entreprise, entre autre les chercheurs et les expatriés tunisiens. C’est en fait l’externalisation de certains services ou produits, afin d’élargir son champ d’action et créer de nouveaux postes d’emploi. Une nouvelle alternative au chômage et un appui à l’amélioration de l’employabilité des jeunes diplômés.
Et M. Bettaieb de mettre à l’évidence que cette expérience n’a cessé de se développer à l’étranger, notamment aux Etats-Unis où les entreprises y adhèrent fort. En Tunisie, ce sont surtout les institutions financières, telles que les banques et les assurances, qui s’y intéressent beaucoup. Mais pourquoi le secteur public n’en fait pas autant ? Cela pourrait changer un jour. D’ici là, toute une culture d’entreprise devrait changer, au fur et à meure de l’évolution socioéconomique. Car, jusqu’à nos jours, aux dires de M. Hamouda Lachtar, relevant de l’Agence de promotion de l’industrie (API) et modérateur de la séance, l’essaimage n’a pas donné ses preuves et les résultats sont encore insatisfaisants. C’est même décourageant. «Aujourd’hui, l’on n’a enregistré que quelque 52 entreprises qui ont été essaimées dans toute la Tunisie. D’où l’impératif de revoir le cadre juridique et repenser le système d’avantages financiers…», a-t-il-insisté, critiquant le nombre insignifiant d’emplois générés à la faveur de l’essaimage, soit 1.057 seulement depuis bien des années. «Notre voisin, en l’occurrence le Maroc, nous a devancés de loin à ce niveau», rétorque Mme Zaouali. Cela dit, l’essaimage à la tunisienne n’a pas bien abouti, faute d’encouragements et d’engagement réel à l’égard de la question de l’emploi. C’est ce qu’ont, d’ailleurs, affirmé certains promoteurs bénéficiaires qui sont venus en témoigner. Ils sont unanimes à déclarer la faiblesse et la défaillance de ce nouveau concept, pointant du doigt la lenteur des procédures administratives et la mollesse politique dans la gestion des dossiers de création de projets. Un des bénéficiaires, issu de la Sonede, et basé à Béja, a affirmé qu’il n’a profité d’aucun avantage garanti par le fonds d’essaimage. De même pour Hatem Chanoufi, P.-d.g. d’une société de systèmes électroniques et d’ingénierie informatique financière à La Manouba: «Bien que j’aie contracté une convention d’essaimage avec la Poste tunisienne, celle-ci m’a tourné le dos, tout en restant totalement absente…».
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