UTICA -UGTT : Qui a tort, qui a raison ?
29/09/2015
Après la pluie, le beau temps qui précède l’orage. C’est la description que l’on peut donner aux relations entre les deux centrales, syndicale et patronale en Tunisie. L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) déterrent, de nouveau la hache de guerre et se lancent dans une phase où les accusations, les attaques allant jusqu’aux menaces, fusent des deux côtés laissant entrevoir le pire en matière de climat social dans le secteur privé.
L’opinion publique a cru que la brouille était terminée entre les deux parties, notamment avec l’annonce par le chef du gouvernement d’un accord sur la paix sociale impliquant, de fait, une trêve jusqu’à fin 2017. Une paix chèrement « achetée », comme l’a signifié le ministre des Affaires sociales, puisque son coût s’élève à pas moins de 1,8 milliard de dinars.
Or, à regarder de près, cette « paix » sociale ne concerne que le secteur public puisque rien n’a été fait, jusque-là, dans celui privé. Pire encore, de ce côté-là, c’est carrément le bras de fer entre les deux parties. Une situation qui semble dans l’impasse et qui peux exploser à tout moment, tellement les positions paraissent, a priori, inconciliables.
En effet, si on se réfère aux déclarations des uns et des autres, on penserait, plutôt, à des « déclarations » de guerre puisque, d’un côté, l’UGTT, par le biais de son secrétaire général adjoint, Belgacem Ayari, menace de recourir à l’escalade et à une grève générale dans le secteur privé.
La réponse de l’UTICA n’a pas tardé en rendant public un communiqué dans lequel elle réaffirme qu’elle ne discute pas sous les menaces et que les déclarations de M. Ayari ne la « terroriseront pas».
Le secrétaire général adjoint de l’UGTT, chargé du secteur privé, Belgacem Ayari avait estimé que la réaction de la commission des affaires sociales à l’UTICA est une attaque gratuite contre la centrale syndicale et une tentative visant à marginaliser le droit des travailleurs. Elle servirait, selon lui, à inventer des disputes secondaires visant à envenimer la situation sociale et à altérer le climat dans les entreprises.
Dans une déclaration accordée aux médias le lundi 28 septembre 2015, à l’issue de la réunion du groupement du secteur privé qu’il préside au sein de l’UGTT, tenue suite à la suspension des négociations avec l’UTICA, M. Ayari a menacé d’organiser une grève générale dans le secteur privé.
« Il est clair que nous allons bouger, s’il le faut et s’il n’y a pas une réactivité de la part de l’UTICA. Nous sommes prêts à décréter une grève générale dans le secteur privé. Une grève qui sera historique », a-t-il affirmé en substance.
Il a atténué, toutefois, ses propos en précisant que l’UGTT demeure attachée à l’ouverture de négociations sérieuses sur les majorations salariales et la révision des aspects financier et réglementaire des conventions sectorielles collectives.
Il a, néanmoins, imputé à l’UTICA et au gouvernement la responsabilité juridique dans la non- publication, au titre de 2014, des annexes de régulation des conventions sectorielles collectives des cafés et des secteurs du gardiennage, du transport de marchandises et d’hydrocarbures, de la distribution en gros de médicaments, des jardins d’enfants et du cinéma.
Dans sa réponse, la commission des affaires sociales au sein de l’UTICA a exprimé son mécontentement suite à ces propos qualifiés « d’irresponsables » et visant à « envenimer les rapports entre l’UGTT et l’UTICA » et « semer la discorde entre les deux organisations ».
L’UTICA affirme que le projet, qu’elle avait présenté aux négociations, était sérieux et réaliste. Et d’ajouter qu’elle avait demandé parmi les facteurs à prendre en considération, lors des négociations, de tenir compte du taux d’inflation ainsi que de la croissance et de la productivité.
Et à M. Ayari de rétorquer, lors de son passage sur la chaîne d’El Hiwar Ettounsi, que dans aucun pays au monde, l’on n’exige une pareille condition préalable dans une négociation sociale. « Nous ne sommes pas contre la nécessité d’accorder de l’importance au facteur de la production et de la productivité, mais non de l’évoquer lors des négociations sectorielles. D’où notre proposition de poursuivre les négociations des autres points et de reporter ledit point de divergence pour la fin des discussions. Et pour toute réponse, les représentants de l’UTICA ont quitté les pourparlers », affirme M. Ayari.
Le secrétaire général adjoint de l’UGTT a évoqué, l’affaire de la grève des transporteurs, reportée aux 5,6 et 7 octobre 2015 pour prendre le public en témoin quant à la bonne foi des syndicalistes en affirmant que ledit report a été décidé unilatéralement par la partie syndicale puisqu’un seul membre de l’UTICA a assisté à la réunion tenue sur proposition de l’UGTT, et il n’y est resté que pendant trois minutes avant de quitter la séance.
M. Ayari, prenant, encore une fois, le public en témoin, a crié haut et fort que tout le monde est prévenu que la grève des transporteurs aura bien lieu du 5 au 7 octobre si les travailleurs du secteur concerné n’obtiennent pas satisfaction de leurs revendications portant sur des accords d’augmentations et d’indemnités pour l’année 2014. « Qu’on ne vienne pas dire, ensuite, que l’UGTT veut faire paralyser la dynamique de la vie quotidienne dans le pays », s’est-il écrié.
Ainsi, il semble qu’on revit un remake de l’épisode du milieu de l’année 2015 où les chefs des deux principales organisations étaient allés trop loin dans un bras de fer qui a connu son point culminant un certain 1er Mai 2015 avec des accusations très graves de part et d’autre.
Houcine Abbassi avait, alors, critiqué ouvertement la domination des « réseaux de contrebande et l’adoption d’une logique de gain rapide chez certains hommes d’affaires» lors de son intervention durant la cérémonie organisée par les trois présidents à l’occasion de la fête du Travail.
Ce à quoi, Wided Bouchamaoui, présidente de l’UTICA, avait répliqué en appelant à « mettre un terme à la campagne de diabolisation des hommes d’affaires et à la logique des réclamations »
S’achemine-t-on vers un point de non-retour entre les deux centrales, syndicale et patronale, surtout après la tendance de personnifier le conflit entre les deux parties ? Ou bien la raison finira t-elle par prévaloir comme il est devenu de coutume en Tunisie ?
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